Octave plia le journal financier qu'il parcourait et derrière lequel il cachait à la foule son visage terne. Il salua brièvement Westmorland et se rapprocha de lui :
- Des oreilles traînent un peu partout, parlons le plus bas que nous le pourrons. Venez.
Se reculant jusque sous le kiosque, Octave scrutait les alentours nerveusement. Après avoir prit une profonde inspiration, il dit :
- Le président Johnson Howard de la Continental Railroads arrive dans les jours prochains à Métropolis... Les temps sont durs, vous le savez autant que moi. Et si ce n'est ce vent du nord, mordant et glacial, qui d'autre nous annoncerait notre fin ? Des mouvements révolutionnaires florissent aux quartes coins de la ville... Le souffle de révolte pousse même jusque sous les toits de mes usines, où les syndicats poussent comme le chiendent... Nous nous devons de réagir.
Il désigna l'Hotel de Ville avec son journal :
- Le gouvernement se forme lentement... Il prend ses marques, et nous devons faire de même. Puisque ces bâtiments sont contrôlés par des démocrates, nous sommes en droits de réclamer des sièges. En attendant les prochaines élections, nous devons nous unir pour mettre à bas cette organisation malsaine qu'est la CNST... Vous avez comme moi vu les premières manifestations haineuses devant les grilles de la caserne ? Ce Lee Crow, il est leur chef, leur leader. Nous devons nous en méfier. Je pense pour ma part participer activement à ces élections, en me faisant épauler par quelques viennois de mes amis, et de brillants lauréats politiques.
De Roop marcha lentement jusqu'à un banc sur lequel il posa un pied. Il planta son regard clair sur l'horizon, de telle sorte qu'on ne sut dire quel point imaginaire il regardait.
- Monsieur Westmorland, nous sommes en pleine révolution. Mais la révolution, celle qui est en train d'avoir lieu, est incolore, inodore. Elle est immatérielle, impalpable... C'est une lutte des nerfs, des idées, des procédés. Nous sommes encore dans sa dimension théorique... Pour ma part, je chante encore les louanges de l'Ancien Régime pour mettre dans notre Etat des hommes tels que vous, qui seraient susceptibles de ramener l'ordre dans cette ville. Mais je ne voudrai pas d'un monarque absolu... Ainsi quand nous auront obtenu des places au gouvernement, nous auront l'occasion de reparler âprement de certaines choses.
Je crois plus qu'en Dieu et plus qu'aux Rois, au progrès économique. Je pense que l'univers de l'industrie est bien plus que tout le reste l'avenir de notre monde, ce pourquoi tout homme de science doit croire. C'est ce qui nous sortira de cette crise populaire, du marasme économique et qui nous guérira de tous nos maux. En cela, monsieur le capitaine, je suis progressiste.